Les aventuriers de l'arche perdue
La résurrection du cinéma d'aventure
Comment présenter le film qu’on ne présente plus?
Le film qui a ressucité le cinéma d’aventure, qui a donné au monde un des personnages les plus attachants et charismatiques que l’on aie jamais vus à l’écran, et qui a cristallisé le miracle du quatuor Lucas-Spielberg-Williams-Ford. Un miracle qu’eux-mêmes n’ont jamais réussi à reproduire, et c’est pour ça qu’il faut déguster chaque seconde de ce film avec délice, car il n’y aura qu’un seul Les Aventuriers de l’Arche Perdue.
Deux heures d’aventures tripédantes, au rythme parfait, juste équilibre de crescendos et de respirations pour nous tenir au bord de notre siège, bouche bée, captivés, les yeux en alerte.
Rythme dans le scénario mais aussi dans le montage, tant et si bien que Steven Soderbergh en avait publié une version muette et en noir et blanc sur son blog afin de permettre de se concentrer sur l’enchaînement des plans. Les Aventuriers de l’Arche Perdue c’est un manuel du montage. Chaque raccord est parfaitement construit afin de rendre le suivi de l’action complètement naturel, tellement naturel qu’on en oublie qu’on regarde un film. Et autant le résultat semble fluide, autant le travail en amont est considérable - mais je ne vous apprends rien.
La photo aussi est un chef d’oeuvre. Monsieur Douglas Slocombe, déjà 67 ans lors de la production, semble trouver une cure de jouvence dans ce tournage et fait la synthèse de toute une carrière à shooter des films à Hollywood tels que Gatsby le Magnifique, Le Lion en Hiver ou The Italian Job. C’est organique, c’est contrasté, les couleurs sont vibrantes, les jeux de lumières et de clair-obscurs époustouflants. Ce serait presque des coups à demander à revenir au pré-CGI, à l’époque où tout pouvait sembler vrai.
La musique, on ne la présente plus non plus, quoique on aura rarement vu une bande son s’associer aussi bien au montage pour téléguider vos rythmes cardiaques au BPM près. Car si le film vous fait vibrer autant, c’est parce que l’instrument, c’est vous. Spielberg a semble-t-il parfaitement compris la phrase de Hitchcock qui dit “ce n’est pas mon film que je dirige, ce sont mes spectateurs”. Essayez de résister, pour voir. Ou plutôt pas, en fait. Faites-vous plaisir. Car le film ce n’est que ça, une incarnation du pur plaisir d’aller au cinéma, de se faire transporter, légers comme sur un hydravion qui s’élève, et ne vous dépose qu’au générique de fin, quand l’image s’estompe et vous laisse le sourire aux lèvres, un brin coupables de vous sentir à ce point égayés comme des enfants.
Car Indiana Jones est irresistible. Il est là pour vous conquérir, hommes comme femmes. Les uns s’y projètent, les autres rêveraient de l’avoir dans leur bras. Et on ne saurait en vouloir à quiquonque: qui peut résister à son sourire ravageur, son audace ancrée dans la terre, son pragmatisme, sa façon d’être une âme mais d’être aussi un corps, obstiné et souple, prêt à encaisser tous les coups et voler d’une péripétie à l’autre? On est aussi là dans la quintessence du héros vulnérable. Il rivalise difficilement avec les armoires à glace nazies, traîne son lot de regrets et ne cache pas sa détresse dans un coup dur. C’est peut-être pour ça qu’il a gardé une place si particulière dans notre imaginaire. Il nous épate, mais il y a toujours quelque chose pour nous rappeler qu’il n’est qu’un être humain, comme nous tous spectateurs. Spielberg a en cela réussi un rêve de cinéma: nous faire oublier qui nous sommes et faire corps avec le héros. Indy, c’est nous. C’est vers quoi nous voudrions tous tendre, sans céder une once sur notre humanité.
Toutes les images sont © Lucasfilm Ltd.