Solaris
Réminiscences du film de Steven Soderbergh
Solaris. 2002. Encore un film que j’ai vu beaucoup trop jeune. J’avais 19 ans. Et j’étais déjà fasciné par cette histoire d’un type ayant perdu toute connexion avec la vie des hommes, métro-boulot-thérapie de groupe-dodo, sautant sur la première occasion pour s’envoler pour le recoin le plus mystérieux (et potentiellement le plus déglinguant) de l’univers. Un recoin qui, on l’apprendra bien assez vite, a la propriété de rendre corps et vie aux personnes qui continuent de hanter nos cœurs après nous avoir quittés.
On retrouve donc George Clooney en homme éteint, sans passion, roulant en pilote automatique dans la vie moderne, miné par des regrets insondables, avec pour seule compagnie la voix cristalline d’une femme qui lui murmure, depuis ses souvenirs: « I love you so much… Don’t you love me anymore? ». Il n’en fallait pas plus pour me gagner. J’avais, on le rappelle, littéralement La Vie Devant Moi, et mon premier amour appartenait encore à un futur hypothétique.
Le son de la pluie sur l’écran noir, je trépignais déjà. Ensuite, c’est du Soderbergh. Pas un mouvement de caméra en trop. Pas un millimètre laissé au hasard. Et pourtant, ça respire, ça rêve, très loin, ça descend sans efforts (comme la planète dont il est question) dans les tréfonds de notre psyché, là où c’est friable, et où un simple plan d’une poignée de porte tenue par les longues mains de Natascha McElhone suffit pour fabriquer l’obsession. La musique de Cliff Martinez, un petit miracle de minimalisme et de lyrisme contenu (sauf pendant une seule minute que vous saurez reconnaître) s’emboîte avec les images pour former une expérience de cinéma envoûtante, mystifiante.
Si vraiment je cherche des trucs à redire, ce serait peut-être le souvenir de personnages secondaires manquant un brin de finesse, entre une Viola Davis toute en réaction et un Jeremy Davies tout en manières (tout le monde ne s’appelle pas Johnny Depp). On pourrait aussi regretter l’absence totale d’éléments tangibles dans la représentation de la planète — 100% évanescente — là où Tarkovski ouvrait le hublot sur « L’Océan Sensible », une image mentale qui s’accroche mieux que la boule de gaz mi-soleil froid, mi-réseau synaptique du remake.
Aucune raison, en tout cas, de ne pas se laisser embarquer dans ce voyage hors du temps, méditation sur l’amour et le deuil, habillée en film de science-fiction.
Toutes les images sont © Twentieth Century Fox.